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Théâtre de mémoire et engagement

DIANA VIVARELLI
Articolo pubblicato nella sezione Il teatro, l’impegno e la memoria: esperienze europee.

Je fais partie des victimes de l'attentat terroriste d'extrême droite du 2 août à la gare de Bologne où 85 personnes ont trouvé la mort et 218 ont été blessés. J'ai écrit une pièce de théâtre autobiographique, en italien et en français, sur cet horrible massacre trente ans après les faits: Explosion, une bombe nous attendait à la gare, pièce pour laquelle je suis lauréate de la bourse Beaumarchais-Sacd.
L'expérience de l'écriture de cette pièce, entre rejet et nécessité, a été pour moi le moyen de replonger dans l'histoire de mon pays et de comprendre à quel point cette histoire m'a transformée. Il est rare que des victimes osent soutenir le regard des autres en donnant sa propre version des faits, puisque le propre du traumatisme est bien l'incommunicabilité, le silence. Parler implique d’exposer ses plaies béantes au regard des autres.
Il faut un but précis et une détermination sans faille pour y parvenir, souvent la recherche de la justice, de la vérité et le devoir de mémoire.


CHŒUR - La douleur de la blessure dans le dos, la douleur à la jambe, les bleus sur mon corps se confondent avec la pitié et la tragédie, avec le sang et le désespoir des morts et des blessés. J'avais une robe violette, des boucles d’oreilles de l’Equateur, un petit sac à dos, un sac avec des sandwichs et des friandises. A la gare atmosphère de fête: on part en vacances, on plaisante et on attend tranquillement l'autocar. Nous prenons un café au bar de la gare.
Les serveurs plaisantent entre eux, des touristes allemandes sont assises à une table, je les dévisage en songeant à combien il est agréable de voyager. Dehors, assise sur mon petit sac à dos, je pense à des choses sans importance. Tout à coup j’entends un bruit d’éclat, léger, ouaté. Je me retourne, j’entends une violente explosion et je vois l’immeuble entier se soulever dans le ciel. L'explosion, le vacarme, la bombe.


CORO - Il dolore alla ferita sul dorso, il dolore alla gamba, i lividi sul corpo si confondono con la pietà e la tragedia, col sangue e la disperazione dei morti e dei feriti. Avevo un vestito viola, degli orecchini equadoriani, uno zainetto, un sacco coi panini e i dolcetti. In stazione atmosfera di festa: si parte per le ferie, si scherza e si attende tranquillamente la corriera.
Prendiamo un caffè al bar della stazione. I camerieri scherzano fra loro, delle turiste tedesche siedono a un tavolo, le guardo pensando come è piacevole viaggiare. Fuori, seduta sul mio piccolo zaino, penso a delle cose senza importanza. Ad un tratto sento un scoppio leggero, ovattato. Mi giro, sento una violenta esplosione e vedo l’intero edificio sollevarsi nel cielo. L’esplosione, il boato, la bomba.


La plupart de la presse italienne parle de la commémoration de l’attentat avec victimisation, comme s’il fallait expier et souffrir en silence, avec “dignité”. Assez des questions des journalistes du style: quel souvenir avez-vous de ce jour? Je préférerais qu’ils me demandent: vous voulez quoi, vous avez eu quoi, vous pensez quoi? Les pleurs font vendre, mais pendant qu’on pleure, on ne pense pas.
Au lieu de faire pleurer, je voulais prendre la parole, répondre aux assassins qui trônent dans la presse. Au lieu de montrer les responsables comme des héros (héros du fascisme, héros de la dictature?) je voulais faire résonner la parole des victimes, patriotes morts pour la démocratie, héros malgré eux, tombés comme les résistants, pour la liberté.


Pour éviter la manipulation de l’histoire, de mon histoire personnelle reliée à celle de ma ville et à celle des citoyens du monde entier, il fallait que je dépasse ma peur.
Les survivants des attentats, des camps, les rescapés de guerre se sentent coupables de s’en être sortis vivants. J’ai intériorisé ce sentiment de culpabilité. Que je le veuille ou pas, je devais savoir. Il me fallait replonger dans l’histoire afin de garder la fierté de mon passé. Pour que cela ne recommence jamais. Ne plus cacher un passé trouble et choquant m’a aidé à dépasser la terreur irrationnelle, les cauchemars incompréhensibles qui parfois m’assaillent la nuit. On n’efface pas le passé, on le refoule, on le repousse.
Les attentats sont une menace collective donc ils construisent une mémoire collective. Je ne suis plus seule quand des spectateurs écoutent ma parole. Mémoire privé et collective se rejoignent. La société construit la mémoire et la mémoire construit la société.
L’association des victimes de l’attentat a donné beaucoup d’importance à la construction d’une culture de mémoire par la production d’œuvres musicales (concours international de composition), de théâtre (Dario Fo et Franca Rame, Antigone dans la ville), de films (projet Nowhere de Filippo Porcelli), de livres, poésies, de symboles (l’horloge de Bologne arrêté à 10h25).
Une phrase essentiel de son président a renforcé ma détermination: transformer un message de mort et de peur en symbole de vie et de créativité.


SILVIA - Cette expérience m’a changé, elle m’a aussi appris beaucoup de choses. J’ai appris à me méfier des apparences, j’ai appris à ne pas juger sans connaître l’autre côté du miroir.
CARLO - J’ai appris à ne pas m’arrêter devant les difficultés, à persévérer.
PIERRE - J’ai appris que le vrai et le faux peuvent s’entremêler, que nous pouvons dépasser l’horreur en le transformant en pulsion créative. J’ai appris à garder la mémoire vivante pour les générations futures.
MICHEL - J’ai appris à regarder mon passé en face, à ne pas en avoir peur. J’ai appris que cette histoire nous concerne tous, parce qu’elle est en rapport direct avec la politique française et européenne.
SILVIA - A Nantes, ville qui résista héroïquement aux troupes d’occupation, beaucoup de monde me pose des questions sur la poussée de l’extrême droite, sur le phénomène Berlusconi et à ses répercussions sur les idéaux fondateurs de nos Républiques de l’après-guerre.
SILVANA - Les fascistes redressent la tête, se mobilisent dans les stades, dans les rues, siègent au gouvernement. Résultat: le racisme se banalise, les discriminations sont monnaie courante, des milices se mobilisent pour chasser les étrangers et réprimer ceux qui dérangent, qui protestent, qui osent s’opposer.
SILVIA - Le patriotisme se transforme en chauvinisme.
PIERRE - L’histoire nous a montré où cela a mené le monde!
CARLO - Ma mère, qui n’a pas fréquenté l’école publique mais l’école de la Résistance, disait que le fascisme naît du je-m’en-foutisme, prospère sur la misère et s’ancre dans l’ignorance.


SILVIA - Quest'esperienza mi ha cambiata, mi ha anche insegnato molte cose. Ho imparato a diffidare delle apparenze, ho imparato a non giudicare senza conoscere il lato nascosto dei fatti.
CARLO - Ho imparato a non fermarmi di fronte alle difficoltà, a perseverare.
PIERRE - Ho imparato che la verità e il falso possono mescolarsi, che possiamo superare l'orrore trasformandolo in impulso creativo. Ho imparato a conservare la memoria viva per le generazioni future.
MICHEL - Ho imparato a guardare il passato in faccia, a non averne paura. Ho imparato che questa storia ci riguarda tutti, perché è in relazione diretta con la politica francese ed europea.
SILVIA - A Nantes, città che resistette eroicamente alle truppe d’occupazione, molta gente mi fa domande sulla crescita dell’estrema destra, sul fenomeno Berlusconi e alle sue ripercussioni sugli ideali fondatori delle Repubbliche del dopoguerra.
SILVANA - I fascisti rialzano la testa, si mobilitano negli stadi, nelle strade, stanno al governo. Risultato: il razzismo si banalizza, le discriminazioni sono all’ordine del giorno, si formano milizie per scacciare gli stranieri e reprimere coloro che disturbano, che protestano, che osano opporsi.
SILVIA - Il patriottismo si trasforma in sciovinismo.
PIERRE - La storia ci ha insegnato dove tutto questo ha condotto il mondo!
CARLO - Mia mamma, che non ha frequentato la scuola statale ma la scuola della Resistenza, diceva che il fascismo nasce dal menefreghismo, prospera sulla miseria e si ancora nell'ignoranza.


La question de mon engagement dans un processus de transmission du langage écrit et représenté renvoie à deux déterminations. Première exigence: la cohérence avec mon parcours artistique, le devoir social et moral de l’artiste, sa place dans la société, ma position contre le danger d’un aplatissement général, d’où l’imagination serait bannie. Deuxième exigence: le langage comme message, comme mythe, comme sémiologie qui transforme la culture en nature universelle, le rapport entre la forme et le concept. Comme l’affirme Roland Barthes, le signifiant opère en dehors d’écrits les plus éloignés de la littérature, tel qu’ils sont les faits d’actualité.
Cet engagement renvoie à la notion même du statut d’écrivain: est-ce que nous devons encore nous défendre de la prolétarisation de l’écrivain face à un statut prestigieux? Est-ce que l’œuvre d’un écrivain naît de la vocation ou bien d’un choix délibéré? Sommes-nous écrivains par vocation ou par choix? La vocation est à l’abri du prosaïsme, elle ne peut s’arrêter ou se dégrader. Le choix détermine la responsabilité de choisir un contenu plutôt qu’un autre, une forme plutôt qu’une autre.
Pirandello nous dit que l’art c’est la vie, et que quiconque prétend faire sortir la beauté d’une formule, se trompe. Dario Fo insiste sur la responsabilité des intellectuels sur la création culturelle. Je défends le même point de vue: il est essentiel de redonner à la culture populaire la considération qui lui est due.
A l'origine, à l'aube de l'humanité, le théâtre était tout simplement un langage, ensuite il est devenu une œuvre et maintenant il est une marchandise. Je voudrais qu’il redevienne un langage, une communication entre le gens et le monde. Comme l’affirme Dario Fo, le théâtre est l’écho de la parole du peuple, il est la voix la plus ancienne du peuple.
Le théâtre nécessite surtout des moyens humains. Tout se fait avec le corps et la parole. C’est pour cela que le théâtre est traditionnellement un moyen d‘expression culturel du peuple. Aujourd’hui le peuple dans les quartiers (comme on se plait à les nommer) est comme le paysan face aux grandes firmes industrielles. C’est lui qui produit, c’est lui qui est exploité. Le théâtre populaire est l’expression de ce besoin de culture, besoin nié par une culture laissée à l’abandon, une culture refusée aux peuples. On oublie souvent que la culture nait dans les banlieues les plus pauvres, pour être ensuite exportée vers les plus riches. Le jazz est né dans les ghettos, la musique lyrique dans les bas-fonds napolitains, le rap dans les banlieues américaines, le théâtre de rue dans les squats…
Et qu’est-ce qu’elle devient toute cette richesse culturelle? Par manque de moyens, de considération, de soutien, de force, tout ce bagage artistique est exploité par les “possédants”. Dans les quartiers nait la tendance, la mode, la culture du futur. Parce que ceci demande un effort surhumain, une énergie incroyable, du temps donné sans compter, en dehors du temps travaillé et de la rentabilité.
Il est évident que tout lieu socialement oublié - prison, hôpital, école - doit être investi par un projet artistique: toute personne doit pouvoir accéder à l'expression artistique, dans toute catégorie sociale, qu'il soit prisonnier, malade, fou, privé de travail... Mais ceci ne suffit pas. Il faut encore que leur travail jouisse de la considération qui est donnée à l'art "noble".
Ils nous donnent une leçon de courage, de morale et de droit: malgré ce qu’ils endurent malgré l’inconfort, les locaux exigus, le manque chronique d’argent, et bien, ils continuent de créer de produire, de “se bouger”. D’où vient tant d’énergie? C’est le sursaut du naufragé, qui rame sur son radeau parce qu’il voit au loin se profiler la côte. Malgré l’épuisement, il veut survivre. Il ne sait pas ce qui l’attend, mais mieux vaut l’incertitude qu’une mort certaine. Il est content de ramer comme un fou, parce qu’il ne veut pas sombrer. Sur la rive, ils l’attendent, sur la rive ils vont lui donner à manger, une couverture et... le renvoyer à la mer. D’où il reviendra peut être avec d’autres intentions.


Depuis la fin de la guerre il y a eu en Italie quatorze attentats terroristes, avec un nombre effrayant de morts et de blessés. Les coupables n’ont jamais payé. A aucun moment, pour aucun attentat, on a atteint les mandants et instigateurs politiques.
Tout cela veut dire: vous devez oublier. Vous devez oublier toute l'histoire, passée, présente et future. Vous devez oublier votre histoire, laisser un espace vide dans vos têtes, vivre dans l'amnésie.
Vivre sans mémoire permet de recommencer à l'infini la même histoire, de continuer à revivre les mêmes traumatismes, comme si de rien n’était. Vivre sans mémoire signifie manipuler l'opinion pour nous faire croire que les terroristes sont des héros romantiques. Vivre sans mémoire, cela équivaut à permettre que ce soient les terroristes les seuls dépositaires de la vérité et de la mémoire historique des années de plomb.
La mémoire est notre racine, notre graine, elle est la condition pour bâtir le futur. Sans mémoire, le futur n'existe pas, le passé n'existe pas, notre identité n'existe pas.


In Italia, dal dopoguerra ad oggi, sono state compiute quattordici stragi con un numero spaventoso di morti e feriti. I colpevoli non hanno mai pagato. Di nessuna di esse si è arrivati a colpire mandanti e ispiratori politici.
Tutto ciò vuol dire: dovete dimenticare. Dovete dimenticare tutta la storia, passata, presente e futura. Dovete dimenticare la storia, lasciare uno spazio vuoto nella mente, vivere nell’amnesia.
Vivere senza ricordi permette di ricominciare all’infinito la stessa storia, di continuare a rivivere gli stessi traumi, come se niente fosse. Vivere senza memoria significa manipolare l’opinione per farci credere che i terroristi siano degli eroi romantici.
Vivere senza memoria significa permettere che siano i terroristi i soli depositari della verità e della memoria storica degli anni di piombo.
La memoria è la nostra radice, il nostro seme, è la condizione per costruire il futuro. Senza memoria, il futuro non esiste, il passato non esiste, la nostra identità non esiste.


Les terroristes, les poseurs de bombes, après avoir donné la mort, après avoir volé des vies, veulent s’approprier les cadavres de leurs victimes. Prédateurs qui considèrent la victime comme un butin de chasse, une proie à dévorer, ils disent avoir le droit de tuer.
L’objectif affiché est de réécrire l’histoire, d’effacer les traces de leur ignominie, de leur lâcheté, de renforcer le mythe fasciste du héros désintéressé, animé par des nobles sentiments. Pour les combattre il faut s’inspirer des luttes d’émancipation des femmes. Il faudrait que nous, les victimes, arrêtions de croire que si on est bons, dignes, posés, ils nous laisseront tranquilles. Le problème n’est pas ce que l’on dit ou pas, le problème n’est pas la femme qui désobéit, le problème est l’homme qui la veut soumise. L’homme qui la frappe veut lui enlever dignité et la réduire à une pauvre chose. Les mêmes méthodes sont utilisées par les fascistes. Pour les combattre, il faut s’investir dans un théâtre d’engagement: le théâtre populaire a toujours permis de participer à la vie de la cité par le langage et par l'action, il permet la représentation de la réalité et par cela la réflexion et la projection dans le futur. Comme disait Roland Barthes: il provoque une véritable émotion politique.
Il faut veiller à éviter une attitude élitiste: la diffusion du savoir, le partage des connaissances, l'échange dans la création doivent être une priorité et non un avilissement.


GENERAL - Mes chères victimes - je peux vous appeler ainsi, n’est-ce pas? - l'épreuve à été rude mais je vous assure que l’Histoire - avec un grand H – l’Histoire ne vous oubliera pas! Que représentent-ils en effet, quelques dizaines de cadavres, quelques centaines de blessés face à la menace qui nous guette, face au destin de notre Patrie? Détails! Broutilles! Me juger, moi, me condamner, moi, le serviteur fidèle, l'exécutant scrupuleux! C’est pour vous, chers messieurs, chères mesdames et mesdemoiselles, qu'on travaille dans le plus grand secret, pour assurer votre sécurité, votre prospérité, pour vous assurer un avenir radieux et confortable, pour vous laisser dormir tranquilles. Pour vous garantir ordre et sécurité. Je vous demande: qui? Qui d’autre pouvait mener un combat sans merci contre les ennemis de notre patrie, les anarchistes, les terroristes, les déviationnistes? Vous voulez un meilleur pouvoir d’achat, vous voulez travailler moins, vous voulez la tranquillité sans vous salir les mains! Et bien, tout cela se paie. Notre bien-être coûte des bouts de corps humains, hommes, femmes, enfants, notre bien-être nécessite des gens comme moi, prêts à travailler dans le noir et le silence. [...] Un tribunal n'est rien sans preuves et les preuves que vous cherchez sont classées secret d'Etat. La justice ne tient qu'à un fil. Si vous essayer de couper ce fil, je vous empêcherai de le faire. Pour le bien de notre communauté.


GENERALE - Mie care vittime - posso chiamarvi così, no? - la prova è stata dura ma vi garantisco che la Storia - la grande Storia - non vi dimenticherà! A dire il vero, cosa rappresentano qualche decina di cadaveri, qualche centinaio di feriti, di fronte alla minaccia che incombe, di fronte al destino della nostra Patria? Dettagli! Banalità! Giudicarmi, condannarmi, io, il servo fedele, l’esecutore scrupoloso! È per voi, cari signori, care signore e signorine, che lavoriamo nel più gran segreto, per garantire la vostra sicurezza, la vostra prosperità, per garantirvi un futuro radioso e confortevole, per lasciarvi dormire tranquilli. Per garantirvi ordine e sicurezza. Chi, dico io? Chi altro poteva condurre una lotta senza tregua contro i nemici della nostra patria, gli anarchici, i terroristi, i deviazionisti? Volete un migliore potere d'acquisto, volete lavorare meno, volete la pace senza sporcarvi le mani! Ebbene, tutto ciò si paga. Il nostro benessere costa dei pezzi di corpo umano, uomini, donne, bambini, il nostro benessere richiede gente come me, pronta a lavorare nel buio e nel silenzio. [...] Un tribunale non è nulla senza prove e le prove che cercate sono classificate segreto di Stato. La giustizia è appesa a un filo. Provate a tagliare questo filo, io vi impedirò di farlo. Per il nostro bene comune.


L’engagement par le théâtre ne fait que renouer avec une longue tradition: Molière, à son époque, ne faisait pas autre chose que dénoncer les travers de ses contemporains.
Le pouvoir en place a souvent craint le pouvoir illimité de la parole engagée depuis la scène de théâtre: «Le pouvoir veut apprendre au public à ne jamais avoir un esprit critique, pour nous rendre tous avec un cerveau plat, sans imagination (Fabulazzo, Dario Fo)».
La liberté de créer et de choisir ses images est le premier droit des peuples à créer son identité culturelle, parce qu’une société qui abandonne à d’autres ses moyens de représentations est une société asservie. La représentation de la réalité permet la réflexion et la projection dans le futur. Pour B. Brecht «l’action sur le spectateur le renvoie à l’action, à la praxis» et «la dialectique est l’aiguillon de la contradiction». Si on enlève la culture à un peuple, on lui enlève toute possibilité d’évolution, on le condamne à la disparition, à l’oubli. Lorsque l’on considère les êtres humains comme un produit, il est plus facile de manipuler et de faire accepter l’inacceptable.
Aujourd’hui encore des écrivains comme Roberto Saviano sont condamnés à mort, sont obligés de vivre caché, entouré par des gardes du corps. «Une parole qui est sentinelle, témoin», écrit Roberto dans son roman Gomorra.
Une parole qui brise la peur, voilà la valeur du théâtre de mémoire.


20 juin 2012



En italique des extraits de la pièce Explosion, une bombe nous attendait à la gare, éditions de l’Amandier, septembre 2012.



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